Habitation bourgeoise

« Vous savez moi, tant que ça paie je prends ». Il arrive que ce « raisonnement », assumé ou non par certains propriétaires, choque les résidents des immeubles du centre ville qui habitent Cannes depuis longtemps. Pourquoi ? parce qu’ils ne comprennent pas que la logique commerciale puisse s’appliquer dans un immeuble dont la destination principale est l’habitation. Car les nuisances induites par le manque de sélectivité rend, c’est ce qu’ils expriment, leur habitation inhabitable : une réalité intolérable.

Qu’elle soit exclusive ou non, l’habitation bourgeoise n’a pas vocation à devenir une résidence hôtelière, les deux destinations d’immeuble diffèrent à bien des égards. L’une est habitée par des particuliers, l’autre est gérée par des professionnels par exemple.

Le coût de l’habitation bourgeoise est supportée par le propriétaire alors que celui de la résidence hôtelière est supportée par l’hôte. C’est essentiellement sur ce point que la tentation de convergence grandit chez le propriétaire. Faire supporter le coût de propriété par un locataire n’est pas une idée neuve, mais augmenter les marges en accueillant des hôtes pour de courtes durées a pris ces dernières années des proportions nouvelles. De quoi largement exaspérer les « vrais » résidents, les historiques, qui voient leur qualité de vie baisser sensiblement avec l’afflux de cette population de passage, plus bruyante, plus abondante, aux horaires moins conventionnels.

Pour nous, tout le problème est le critère bourgeois en soi. La bourgeoisie ne s’est jamais distinguée par un savoir-vivre particulier. Le bourgeois est de fait l’habitant du bourg, par opposition au rat des champs, pour bien marquer la continuité dans la transition du caractère noble de celui qui est propriétaire terrien. Mais 1789 a installé la bourgeoisie dans l’idée fausse d’une continuité avec l’aristocratie. La résidence bourgeoise est ainsi de nos jours connotée comme habitée par des aristocrates, aux moeurs délicates et à la courtoisie indéfectible. Ce n’est pas la réalité. Le bourgeois, l’habitant du bourg, est depuis toujours décrit dans la littérature comme bruyant, toujours en mouvement, attiré par la richesse et quelque peu pédant. Pour nous, le caractère bourgeois d’une habitation, à moins d’en avoir le sens légal restrictif « bourgeois exclusif » qui est synonyme d’aristocrate par confusion, est caractéristiquement compatible avec la location saisonnière à condition que le locataire vive effectivement dans les lieux comme un vrai bourgeois, ce qu’il ne manque en général pas de faire.

Pour ceux qui veulent introduire dans l’usage de la location de courte durée une authentique notion de sélection pour filtrer les hôtes et n’ouvrir les portes qu’aux gens de bonne moeurs, il ne faut pas se focaliser sur le caractère bourgeois des murs mais sur le caractère aristocratique de l’agence qui sélectionne les arrivants. Landlord est l’agence des propriétaires qui acceptent de louer leur logement dans des immeubles destinés à l’habitation bourgeoise tout en ayant d’authentiques critères de savoir-vivre pour que la logique de courtoisie et de bienveillance désintéressée ne cède rien à la logique de rentabilité. Partager avec les hôtes le coût de la propriété oui mais sacrifier la qualité de vie du voisinage, c’est non. Cette logique n’a rien de bourgeois. Au contraire, elle a tout d’aristocratique.


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